Des révisions : le lièvre et la tortue

Quand mes élèves me demandent comment ils doivent s’y prendre pour réviser leurs examens, je leur fais lire ceci :

Rien ne sert de courir ; il faut partir à point :
Le lièvre et la tortue en sont un témoignage.
 » Gageons, dit celle-ci, que vous n’atteindrez point
Sitôt que moi ce but. – Sitôt ? Êtes-vous sage ?
Repartit l’animal léger :
Ma commère, il vous faut purger
Avec quatre grains d’ellébore.
– Sage ou non, je parie encore. « 
Ainsi fut fait ; et de tous deux
On mit près du but les enjeux :
Savoir quoi, ce n’est pas l’affaire,
Ni de quel juge l’on convint.
Notre lièvre n’avait que quatre pas à faire.
J’entends de ceux qu’il fait lorsque, prêt d’être atteint,
Il s’éloigne des chiens, les renvoie aux calendes,
Et leur fait arpenter les landes.
Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,
Pour dormir, et pour écouter
D’où vient le vent, il laisse la tortue
Aller son train de sénateur.

Elle part, elle s’évertue,
Elle se hâte avec lenteur.
Lui cependant méprise une telle victoire,
Tient la gageure à peu de gloire,
Croit qu’il y va de son honneur
De partir tard. Il broute, il se repose,
Il s’amuse à toute autre chose
Qu’à la gageure. A la fin, quand il vit
Que l’autre touchait presque au bout de la carrière,
Il partit comme un trait ; mais les élans qu’il fit
Furent vains : la tortue arriva la première.
 » Eh bien ! lui cria-t-elle, avais-je pas raison ?
De quoi vous sert votre vitesse ?
Moi l’emporter ! et que serait-ce
Si vous portiez une maison ?

Et si le message n’est pas assez clair, je développe un peu. Pour avoir moi-même pratiqué les deux méthodes quand je devais réviser, je peux témoigner en faveur de la sagesse du fabuliste.

J’ai essayé de faire le lièvre; c’est-à-dire que, persuadé de ma grannnnnnnnde supériorité, et animé d’une profonde flemme, je n’ai rien fait de l’année (« Il s’amuse à toute autre chose) » et ai ouvert certains livres à trois semaines du bac, en m’imposant un programme titanesque de travail, à raison de douze heures par jour, litres de café, allumettes pour tenir les yeux, etc. etc. Très désagréable, mais surtout… inefficace: comme le lièvre, ma paresse me faisait me surestimer… (« mais les élans qu’il fit / Furent vains ») Je perdis la course, ma note me le fit bien sentir.

J’ai aussi fait la tortue. En particulier dans les matières que j’aimais, où, déjà, fait incroyable, j’écoutais en classe ! (Si vous avez absolument besoin d’un truc-qui-marche, ne gardez que celui-là…) Je me faisais aussi des fiches au fil de l’année, à l’occasion des devoirs, fiches que je n’eus plus qu’à relire paisiblement avant l’examen final. Et ainsi, je pus, sans forcer, gagner la course. « Elle se hâte avec lenteur. »

En fait, pour bien réviser ses examens, il ne faut pas réviser ses examens.

 

 

14 octobre 2014

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