En dépit de son aspect assez sévère (« juge », « comme son ombre », « voix terrible »…), j’ai toujours trouvé (paradoxalement ?) que ce texte du philosophe allemand était rassurant, dans la mesure où il pose comme axiome que « tout homme » a une conscience, y compris donc ceux dont on pourrait penser qu’ils en sont totalement dépourvus. Autrement dit : rien n’est perdu.
Tout homme a une conscience et se trouve observé, menacé et surtout tenu en respect par un juge intérieur, et cette puissance qui veille en lui sur les lois n’est pas quelque chose qu’il se forge à lui-même arbitrairement, mais elle est inhérente à son être. Sa conscience le suit comme son ombre lorsqu’il pense lui échapper.
Il peut bien s’étourdir ou s’endormir par des plaisirs et des distractions, mais il ne saurait éviter de revenir à lui ou de se réveiller de temps en temps dès lors qu’il en perçoit la voix terrible. Il peut arriver à l’homme de tomber dans l’extrême abjection où il ne se soucie plus de cette voix, mais il ne peut pourtant éviter de l’entendre.
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Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, 1788
mardi 27 février 2024