Pourquoi étudie-t-on des « classiques » en français ?

La réponse paraît peut-être évidente aux parents et aux enseignants, mais j’ai remarqué qu’elle ne l’était pas du tout pour les concernés, à savoir les Collégiens et les Lycéens.

Quand je leur demande « pourquoi » ils étudient le subjonctif, le vocabulaire, la syntaxe, le participe passé… ils savent toujours me donner une réponse proche des objectifs de l’Éducation nationale : c’est pour apprendre à maîtriser leur langue, à l’oral comme à l’écrit. Ils apprécient plus ou moins cet enseignement de la langue, ils y réussissent plus ou moins, mais l’utilité est clairement perçue.

Très différente (et plus floue) est leur vision des choses quand je leur demande « pourquoi » ils étudient des poésies de Verlaine, des romans de Hugo ou de Balzac, de la littérature d’idée… Au mieux, ils aiment lire et prennent cela comme un élargissement de leur horizon de lecture ; au pire, ils se fendent d’une vague considération sur la « culture G », ce qui en gros signifie que Balzac peut être utile pour répondre aux questions marron du Trivial Pursuit ou pour briller dans un dîner…

Mais dans aucune des configurations ils n’ont idée du lien qu’il peut y avoir entre le subjonctif et un pamphlet de Voltaire, entre un personnage de Hugo et un registre de langue… entre le cours de langue française et le cours de Lettres. Je leur explique alors qu’il fut un temps où la question de dissocier ces deux matières avait été envisagée par le Ministère, mais que les opposants à ce projet l’avaient emporté grâce à un argument qui me paraît décisif :

C’est en lisant et en étudiant les plus grands artisans de notre langue qu’on peut tirer son niveau vers le haut.

J’utilise ensuite la métaphore appropriée qui conviendra à chacun… Vous aimez dessiner ? Vous admirez naturellement des esquisses de Delacroix ou Picasso. Vous aimez le basket ? Vous regardez tous les matchs de la NBA… Vous aimez les échecs ? Vous regardez les plus grands matchs et leurs analyses. Etc.

Dans chaque domaine que l’on affectionne, c’est vers le haut que l’on respire naturellement. Les « maîtres » sont des modèles qui nous inspirent. Voltaire transforme le subjonctif en arme de persuasion, Verlaine transmute un simple adverbe en spectacle surnaturel, Hugo fabrique du suspense avec de simples ponctuations… Il ne s’agit pas de faire de nos élèves de futurs grands écrivains (quoique pourquoi pas ?!) mais au moins de leur faire cette proposition : quitte à te faire apprendre le français, autant le faire de manière royale, sur la base des plus grands textes !

Il me semble important d’expliquer et de réexpliquer cela aux adolescents pour les faire adhérer au projet qui leur est proposé en français. Ce sens redonné me paraît autrement plus précieux, intellectuellement, que le trivial chantage à Parcoursup auquel on a trop souvent recours.

mardi 27 septembre 2022

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