Faut-il lire les grands auteurs ?


Si la question était posée strictement en ces termes, j’aurais spontanément envie de répondre : bien sûr que non !

Non, il ne « faut » pas lire les grands auteurs : c’est le verbe qui me gêne, ce verbe falloir qui transforme l’une des plus belles expériences que je connaisse en ennuyeux devoir. Je veux bien qu’on dise qu’il faut se laver les dents ou qu’il faut respecter les limitations de vitesse mais pas qu’il faut lire les grands auteurs.

Cette idée d’obligation, de contrainte, est accrochée à l’image des classiques comme le sparadrap au doigt du Capitaine Haddock : c’est probablement un héritage de la période scolaire où nous avons été présentés à Victor Hugo et à Samuel Beckett par le truchement d’un contrôle de lecture ou d’un bac blanc. C’était la moins mauvais solution, peut-être, car des lectures obligataires sont toujours mieux que pas de lectures du tout, mais elles ont laissé cette marque chez certains adultes qui se tiendront à tout jamais (?) loin de ces noms prestigieux, français ou étrangers.

Il y a mille raisons de lire et de relire les grands noms du passé (et du présent proche) : culturelles, linguistiques, intellectuelles, existentielles, philosophiques, psychologiques, historiques… sans oublier le simple divertissement, qui n’est pas le moindre atout de la littérature -et ces raisons se suffisent à elles-mêmes pour ne pas avoir besoin d’en faire une obligation.

Dans la question de départ, on pourrait aussi discuter de l’adjectif : qu’est-ce qu’un « grand » auteur ? Pourquoi ne lire qu’eux ? À partir de quand en est-on un ? Il y aurait des démonstrations objectives à faire pour montrer qu’il y a plus chez Faulkner que chez Barjavel, mais c’est là encore une initiative contre-productive dans la diffusion de la littérature, parce qu’elle crée un fossé (un snobisme) entre telle et telle œuvre : en cela elle nuit à une saine curiosité. Les grands lecteurs lisent de tout -voilà la règle. On peut aimer Faulkner et Barjavel sans s’astreindre à leur faire passer un concours de beauté.

Puisse votre bibliothèque faire se côtoyer Pascal, Perec, John le Carré, Asimov, Perrault, Paul Auster, Agatha Christie, Saint Augustin, Tolkien, Emmanuel Kant et les aventures de Tintin !…
Lire de tout, y compris des grands auteurs : voilà comment je formulerais plutôt les choses…

mardi 27 décembre 2022

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