Si l’enfance est l’âge des questions, l’adolescence est l’âge des remises en question.
Dans un ancien billet, j’avais essayé de montrer qu’il existait une intelligence enfantine, qui était déjà un embryon de philosophie ; la même analyse pourrait se poursuivre à l’âge adolescent, mais sous une autre modalité.
Alors que les questions de l’enfance participent d’un perpétuel émerveillement devant ce qui est, celles de l’adolescence portent davantage, me semble-t-il, sur la légitimité des autorités : parents, professeurs, règlements, etc. Le franchissement de certains interdits, dont les psychologues disent qu’il est constitutif de la construction de l’individu à cet âge, est l’expression naturelle de ce questionnement. Les adolescents ne rédigent pas des articles à la Diderot, mais ils posent, d’une certaine manière, les mêmes problématiques : Pourquoi obéir ? À qui obéir ? De quel droit quelqu’un me donne-t-il des ordres ? etc.
Ce genre de remise en cause(s) de la part des adolescents n’est pas toujours agréable à vivre pour des adultes qui ne leur souhaitent que du bien (encore que ces adultes pourraient réfléchir eux-mêmes à la nature de ce « bien » et à leurs propres projections…), mais elle peut aussi être vue comme un embryon d’esprit critique –et cela, c’est une bonne nouvelle. Les ados ont peut-être tendance à pratiquer la contradiction systématique, mais au moins cela prouve qu’ils deviennent capables de contredire –et donc, plus tard, le cas échéant, de ne pas se laisser manipuler sans broncher.
Un adulte qui voudrait, par autoritarisme, faire taire toute velléité contradictoire chez un ado écraserait là une très belle pousse, car il est aussi important de savoir critiquer que de savoir approuver : un esprit équilibré a besoin de ces deux plateaux.
Le mieux que puisse faire un adulte quand il est confronté à cette « rébellion » d’un ado est de lui donner un objet utile. Quitte à critiquer, autant le faire sur un objet autre que les choses pratiques et les questions de caractère et d’humeur. Transformer sa moue devant son assiette ou ses remarques irrespectueuses en pétition contre l’huile de palme ou en désir de chercher par soi-même des informations. Puisque c’est la liberté qu’il réclame, il faut lui en donner une sur le terrain intellectuel. Et plutôt que de vouloir « scier » son esprit critique, lui apprendre au contraire à s’en servir de manière intelligente, constructive et respectueuse. « Tu penses que j’ai tort ? OK, mais prouve-le moi. » Même si la fenêtre de tir est étroite, il est possible de s’opposer sans violence -cela s’apprend et se transmet.
mardi 13 octobre 2020