Voltaire, le végétarien ?

C’est une lecture d’été, un petit livre trouvé au hasard d’un présentoir de librairie, et dont le titre m’a intrigué parce que je n’aurais pas soupçonné le grand philosophe du 18ème d’être à ce point en avance sur son temps :

La préface de Renan Larue m’informe que la question animale relève d’un intérêt tardif de Voltaire (il a 68 ans) et qu’on trouve çà et là dans son œuvre des traces de cette prise de conscience.

Je suis vivement interpellé par le passage suivant, extrait d’Il faut prendre un parti (« Du mal, et en particulier de la destruction des bêtes ») :

Non-seulement nous passons notre vie à tuer et à dévorer ce que nous avons tué, mais tous les animaux s’égorgent les uns les autres ; ils y sont portés par un attrait invincible. Depuis les plus petits insectes jusqu’au rhinocéros et à l’éléphant, la terre n’est qu’un vaste champ de guerres, d’embûches, de carnage, de destruction ; il n’est point d’animal qui n’ait sa proie, et qui, pour la saisir, n’emploie l’équivalent de la ruse et de la rage avec laquelle l’exécrable araignée attire et dévore la mouche innocente. Un troupeau de moutons dévore en une heure plus d’insectes, en broutant l’herbe, qu’il n’y a d’hommes sur la terre.

Et ce qui est encore de plus cruel, c’est que, dans cette horrible scène de meurtres toujours renouvelés, on voit évidemment un dessein formé de perpétuer toutes les espèces par les cadavres sanglants de leurs ennemis mutuels. Ces victimes n’expirent qu’après que la nature a soigneusement pourvu à en fournir de nouvelles. Tout renaît pour le meurtre.

Cependant je ne vois aucun moraliste parmi nous, aucun de nos loquaces prédicateurs, aucun même de nos tartufes, qui ait fait la moindre réflexion sur cette habitude affreuse, devenue chez nous nature. Il faut remonter jusqu’au pieux Porphyre, et aux compatissants pythagoriciens pour trouver quelqu’un qui nous fasse honte de notre sanglante gloutonnerie, ou bien il faut voyager chez les brahmanes ; car, pour nos moines que le caprice de leurs fondateurs a fait renoncer à la chair, ils sont meurtriers de soles et de turbots, s’ils ne le sont pas de soles et de cailles ; et ni parmi les les moines, ni dans le concile de Trente, ni dans nos assemblées du clergé, ni dans nos académies, on ne s’est encore avisé de donner le nom de mal à cette boucherie universelle. On n’y a pas plus pensé dans les conciles que dans les cabarets. »

mardi 23 septembre 2025

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