Une bonne note doit être une conséquence, pas un but.

Ce sera noté ? Quel sera le coeff ? Cela comptera dans le dossier ? L’obsession commence de plus en plus tôt. Dès le collège, la note est présentée et perçue comme le graal de l’école. Examinons un peu ce graal, pour voir si c’est le vrai.

Il faut commencer par dire que cette obsession n’est pas une initiative spontanée des adolescents, qui lui préféreraient sûrement la douce indolence des jeunes années ; cette obsession est une création de toutes pièces des adultes : concepteurs de programmes, fonctionnaires d’État, directeurs d’écoles, enseignants, responsables éducatifs, parents…

Il faut une évaluation, et je ne souscris pas à l’abolition de la note, comme je l’ai expliqué ici. Mais comment cette nécessité pratique se tourne-t-elle en poison dans certains esprits, jusqu’à réduire le contenu des cours à un prétexte pour produire des notes ? Comment en arrive-t-on à cette absurdité qui consiste à travailler uniquement en vue de l’obtention d’un petit nombre (ou chiffre) rouge dans une case de bulletin ? C’est sans doute un énième fruit pourri de l’ambiance ultra-concurrentielle dans laquelle notre société baigne toute entière. Un dévoiement, qui provoque des dégâts à plusieurs niveaux.

Tout d’abord, le dégât humain. Quand bien même il n’y aurait que celui-là, il suffirait largement à disqualifier les discours de légitimation qui le produisent, à moins de penser, comme l’avait avoué candidement un certain éditorialiste connu pour ses positions réactionnaires, qu’à l’école, « l’humiliation c’est très bien, car ça fait réagir. Ils vont se mettre à bosser. » No comment !

Pas la peine de lister toutes les souffrances engendrées par cette compétition, chez ceux qui y perdent comment chez ceux qui s’y maintiennent et même ceux qui y gagnent : stress, troubles du sommeil, perte d’estime de soi, etc. Il faut bien prendre la mesure du point où nous sommes parvenus : nous en sommes rendus à donner des médicaments (anxiolytiques, énergisants, pick your poison !) à nos enfants pour qu’ils puissent passer leurs examens ! Si quelqu’un a des arguments pour démontrer que cette situation est normale, qu’il se lève et parle ! Ou qu’il se taise à jamais !!!

Mais cette obsession de la bonne note provoque selon moi d’autres dégâts, d’un point de vue scolaire et intellectuel.

Il est très discutable d’affirmer qu’une succession de bonnes notes prouve forcément une scolarité réussie, on pourrait trouver des exemples d’élèves n’apprenant que pour le contrôle et oubliant tout derrière, des « bêtes à concours » comme on dit dans le jargon des prépas, des tacticiens de la révision, des tricheurs honnêtes (oxymore) qui ne retiennent que pour déjouer le contrôle.

Paul Valéry a brillamment démontré, dans ce texte (que les Recteurs d’académies devraient accrocher au-dessus de leur bureau) que le diplôme ne fait que détourner l’énergie intellectuelle vers les rouages de son obtention, et pas, comme cela devrait être le cas, vers l’apprentissage d’un contenu. Il pousse même son argumentation jusqu’à dire que « le diplôme est l’ennemi mortel de la culture ».

Dégâts intellectuels, donc, culture reader’s digest.

Au terme de ces considérations, il devient urgent de remettre la note en perspective, non plus comme un but en soi, ce qui vide l’école de son sens, mais comme une conséquence. Travaille  bien pour devenir intelligent ! La note viendra assurer ton investissement. La connaissance doit être reconnue, mais elle n’a pas vraiment besoin d’être récompensée, car elle EST la récompense.

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mardi 9 mai 2017

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